Publié le 17.04.2020
Alors que le monde traverse une crise d’une nature inédite, et dont l’une des caractéristiques est l’évolution rapide de l’information, il nous a paru utile de partager à une fréquence hebdomadaire notre vision des évènements et de leur impact sur les marchés immobiliers.
Avant la crise du Covid-19, l’immobilier résidentiel présentait des indicateurs extrêmement positifs : un record de transactions sur le marché ancien (> 1 million en 2019) pour la deuxième année consécutive ; des hausses de prix substantielles mais maîtrisées (+3,9% en Ile-de-France, +3,6% en Province au 4e trimestre 2019 sur 12 mois) ; des taux de crédits immobiliers orientés à la baisse (-32 points de base entre décembre 2018 et décembre 2019). Surtout, l’attractivité des actifs résidentiels « en bloc » auprès des investisseurs institutionnels se confirmait, au niveau français (3,5 mds € d’investissement en 2019) et surtout européen (62,7 mds € dont 18,3 mds € en Allemagne, malgré le gel des loyers à Berlin). Les ventes en neuf et les mises en chantier avaient, quant à elles, plutôt fléchi, comme souvent à l’approche des élections municipales.
La dynamique de hausse des prix, modérée mais continue depuis 2015, s’appuyait sur des facteurs structurels :
Cette situation de relative prospérité avait incité le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) à émettre des recommandations de modération dans la durée des prêts (25 ans maximum) et le taux d’effort des ménages (33% maximum). En outre, des réformes législatives (loi Lagleize) et des innovations de marché se proposaient d’améliorer l’accès au marché du logement sans renverser la dynamique de prix, en déconstruisant le droit de propriété : dissociation foncier / bâti, dissociation parties communes / logement,
propriété à vie, etc.
L’ensemble de ces facteurs structurels restent pertinents à l’heure de la crise sanitaire. Cependant, celle-ci constitue un choc qui vient ébranler le marché du logement, l’économie, et la confiance des ménages. Elle ne peut donc rester sans conséquences.
Vers une année blanche pour la production de logements neufs. L’interruption des chantiers vient mettre un coup d’arrêt brutal à la production de logements neufs, et ce jusqu’à ce que des conditions de reprise sanitairement acceptables soient trouvées. La dynamique des mises en chantier était déjà considérablement ralentie par la perspective des élections municipales, qui sont reportées. Il est trop tôt pour savoir si un dispositif fiscal nouveau viendra soutenir le secteur. En revanche, certains acteurs publics (CDC) et privés engagés (Action Logement) ont d’ores et déjà annoncé un soutien fort par la production de 50 000 logements dans les 12 mois. Dans tous les cas, l’interruption de la construction neuve vient contribuer à creuser le déficit d’offre qui est déjà important dans les zones tendues. On peut également s’attendre à ce que des programmes destinés initialement à une vente par lots se retrouvent acquise en bloc par des investisseurs institutionnels attirés par le profil rendement/risque de ces opérations.
L’arrêt des transactions des particuliers dans l’ancien : une question de confiance. Si la date de déconfinement au 11 mai est tenue, les transactions dans l’ancien auront été interrompues 2 mois. Les mois de mars et d’avril représentent en moyenne 20% des transactions1, ce qui, rapporté au million de transactions enregistrées ces deux dernières années, aboutit à 200 000 transactions en moins. Annulées ou simplement reportées ? C’est le point central : le retour de la confiance des acheteurs. En effet, même si les particuliers ne font pas l’objet d’une suspension de leur loyer, l’une des caractéristiques de la crise du Covid-19 est le très haut niveau d’incertitude qu’elle fait peser sur les acteurs économiques. Cette incertitude nourrit le pessimisme mais surtout l’immobilisme face à des choix de long terme : celui d’acheter, mais aussi celui de vendre. On doit donc s’attendre à une relative atonie des transactions dans les prochains mois. En revanche on n’observe pas de velléités de ventes massives ou forcées, ni de la part des particuliers, ni de la part des institutionnels.
Le crédit immobilier sera-t-il au rendez-vous ? Un environnement de taux directeurs historiquement bas (autour de 0% pour l’OAT 10 ans) ne le garantit pas. En effet, les banques, dont la marge opérationnelle est déjà attaquée par le faible niveau des taux, seront amenées à privilégier les sauvetages des entreprises, et à augmenter leurs marges du fait des difficultés anticipées des débiteurs. On peut tabler sur le fait que les taux de crédit seront compétitifs2; on peut penser que les conditions de crédit le seront moins.
Que nous dit le précédent de 2008 ? Si les deux crises ne sont pas comparables dans leur principe – crise financière contre choc sur l’économie réelle – elles ont eu la même conséquence sur le marché de l’ancien : un quasi-gel des transactions sur quelques mois. Il s’en est suivi une correction des prix, immédiatement compensée l’année d’après. De même, les années de croissance atone de la France (2012-2015) ont vu une stagnation, voire une baisse des valeurs, immédiatement compensée dès que la croissance du PIB s’est hissée à un niveau suffisant. Ces résultats suggèrent que le marché résidentiel comporte des forces de rappel – on pense bien sûr au déséquilibre structurel entre offre foncière et demande des ménages – qui jouent dès que la croissance est de retour, et si l’environnement de taux ne change pas. C’est la résilience du logement en tant que classe d’actifs.
1 Source : meilleursagents.com.
2 En avril les taux moyens s’établissent à 1,15 % sur 15 ans 1,32% sur 20 ans 1,60% sur 25 ans.
La réponse à cette question nous semble reposer dans la macroéconomie plus que dans les conditions internes du marché du logement. Tout l’enjeu est dans la gestion des effets de 2e tour de la crise. Deux scénarios « extrêmes » peuvent être dessinés.
Le scénario du pire : un crash de la solvabilité des ménages. A l’heure actuelle, la solvabilité des ménages est maintenue à flot par les dispositifs de chômage partiel (4 millions de personnes en France), qui sont par définition temporaires et impliquent que l’entreprise ne dépose pas le bilan. Après ce « portage » par l’Etat et les banques centrales de la perte d’activité due au confinement, l’heure de vérité sonnera pour un grand nombre d’entreprises fragilisées dans leurs fonds propres. Le scénario du pire impliquerait une série de faillites qui se traduirait par un chômage de masse de longue durée. Il obérerait le pouvoir d’achat des ménages – y compris le pouvoir d’achat immobilier – jusqu’à compromettre leur capacité d’achat. En ce cas, il serait logique que les prix du logement baissent. Quand bien même les conditions de taux resteraient favorables, les ménages éligibles seraient tout simplement moins nombreux.
Le scénario du meilleur : le résidentiel devient le nouveau core.Les gouvernements et les banques centrales peuvent éviter le chômage de masse en jouant de l’arme budgétaire et monétaire en même temps. Ce faisant, ils permettraient au marché résidentiel de renouer avec sa dynamique antérieure, modérée mais ascendante. Le logement répondrait typiquement à la demande des investisseurs institutionnels : un profil de performance core, peu susceptible de variations de revenus locatifs, relativement décorrélé des cycles économiques, et dont la création de valeur s’inscrit dans le temps long des évolutions démographiques et métropolitaines. Le résidentiel serait alors, dans les portefeuilles institutionnels, un concurrent crédible du bureau. Les marchés locaux sont nombreux, en France et en Europe, qui constituent des opportunités et des points d’entrée attractifs à cet égard3.
A plus long terme ce scénario pourrait avoir pour corollaire un retour de l’inflation, toujours recherchée et jamais atteinte depuis la mise en place du quantitative easing post crise financière. Si c’est le cas, la littérature et l’expérience des 50 dernières années tendent à montrer que l’immobilier résidentiel constitue, parmi les classes d’actifs immobilières, la meilleure couverture contre l’inflation, avec une corrélation très forte de loyers (IRL) et des valeurs.
3 Cf. Primonial REIM Recherche & Stratégie, janvier 2019, Immobilier résidentiel européen : de la métropolisation à la stratégie d’investissement.
Après avoir été, physiquement, un refuge pour les français face à la pandémie, le logement sera-t-il un refuge pour leur épargne ? Pour les personnes physiques il l’est déjà largement, puisque l’immobilier représente les deux tiers du patrimoine des ménages, essentiellement via la détention de la résidence principale. Mais l’immobilier comme placement financier est beaucoup moins démocratisé : environ 5% des placements financiers des français sont investis en immobilier4, dont une part infime sur un sous-jacent résidentiel.
Les propriétés de l’immobilier résidentiel, si elles ne sont pas gâchées par la politique économique de l’après-crise sanitaire, le renforceront dans la hiérarchie des placements. Avec un appétit non démenti des particuliers et une montée en puissance des investisseurs institutionnels, avec la mise en place de nouvelles structurations du droit de propriété et des dispositifs en faveur du logement abordable, avec une aspiration croissante à la qualité de vie métropolitaine, rendue accessible par le télétravail, l’immobilier résidentiel serait alors mûr pour devenir le nouveau coeur de l’immobilier d’investissement.
4 Cf. Primonial REIM Recherche & Stratégie, janvier 2020, Assurance-vie : la nouvelle équation immobilière.
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Daniel While
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