Par Business Immo - Publié le 01.11.2020
Le bureau est bousculé par le télétravail, le commerce par le e-commerce, sans parler des mesures de distanciations qui laissent planer un doute sur leur avenir à long terme. Devant tant d'incertitude, le résidentiel redevient une alternative plus intéressante que jamais. Et pour s'y positionner sans sacrifier ses objectifs de rendement, l'immobilier géré s'impose comme un modèle porteur.
Lors d’un récent point de presse, Nexity définissait l’immobilier géré comme «un modèle basé sur le triptyque investisseur / exploitant / locataire» permettant de simplifier la relation bailleur/locataire grâce à la prise en charge par l'exploitant. Pour le groupe, qui s’est doté en juillet dernier d’un pôle dédié et opère tant des résidences étudiantes et seniors que de coliving, cette offre prend la forme de logements alliant parties privatives et espaces communs, le tout accompagné d’une offre de services et d’une communauté de vie. Car le parc résidentiel est devenu le témoin d’une époque révolue où la société, articulée autour de la famille traditionnelle, était plus homogène, estime Daniel Whîle, directeur recherche et stratégie chez Primonial REIM, qui a construit depuis quatre ans un portefeuille résidentiel de 1,5 Md€ alliant logements classiques et gérés, «Il a été fabriqué pour un modèle familial bien défini, avec peu de services pensés spécifiquement pour des populations particulières. Nous avons des vies plus complexes que par le passé, ce qui occasionne des besoins immobiliers transitionnels selon les différentes phases de nos vies. C'est là qu'intervient le modèle géré, par lequel nous adaptons l'offre résidentielle aux besoins d'un segment spécifique de la population. Aussi, bien que le marché soit plus actif sur le logement traditionnel que géré, nous croyons que ce dernier représente l'avenir. »
L’intérêt croissant des investisseurs pour le secteur est indéniable, selon Florence Semelin, Lead Director of Residential Investment Transactions chez JLL France : «Les actif gérés représentent aujourd'hui une part importante des volumes d'investissement s résidentiels, et cette tendance à la hausse est observée depuis plusieurs années.»
Là où en 2017 ceux-ci ne comptaient que pour 4% des volumes investis en immobilier résidentiel en bloc, ce poids était passé à 22 % un an plus tard et à 36% en 2019, quand 1,42 Md€ ont été investis sur le secteur. «Le marché des résidences seniors a vraiment démarré en 2016 et 2017 avec des volumes en bloc en constante évolution, poursuit Florence Semelin. Ils ont depuis été rejoints par les résidences étudiantes et, plus récemment, par celles de coliving, secteur sur lequel nous avons réalisé quelques opérations au cours des derniers mois et qui connaît une accélération des mises en vente de portefeuille. » Ainsi, 860 M€ ont été investis l’an dernier sur les logements étudiants, 523 M€ sur les résidences seniors et 37 M€ sur des établissements de coliving.
Que les investisseurs en quête de rendements attractifs se rassurent : résidentiel géré et rémunération ne sont pas antinomiques. «Pour notre diversification, nous avons cherché à favoriser le résidentiel géré, car il combine à la fois les attributs du résidentiel classique et ceux de l’immobilier tertiaire », explique Virginie Wallut, directrice recherche et ISR immobiliers chez La Française REM, dont le patrimoine, majoritairement tertiaire, s’ouvre depuis quelques années au secteur et comptait à fin 2019 14 résidences seniors (neuf en opération et cinq en attente de livraison), trois résidences étudiantes (une en opération et deux en attente de livraison) ainsi que deux actifs de coliving, sans compter les résidences de tourisme. « Comme le marché était plutôt en haut de cycle, même avant le Covid-19, notre idée a été de nous en décorréler par l’immobilier géré, continue-t-elle. Il représente le meilleur des deux mondes : une classe d’actifs extrêmement défensive, avec un équilibre très serré entre l’offre très restreinte et une demande appelée à augmenter, mais offrant des rendements semblables à ceux de l ’immobilier d’entre prise, voire supérieurs », continue Philippe Depoux, président de La Française Real Estate Managers.
Ainsi, alors que les actifs résidentiels « primes » « classiques» rapportent généralement un rendement de 2,5% et le bureau « prime » près de 3%, les résidences services seniors de La Française REM génèrent 3,75% en région parisienne et 4 % en régions : « Ces rendements se justifient par le plus grand risque locatif porté par cette classe d’actifs, mais celui-ci demeure selon nous très limité au vu des fondamentaux du marché. » Une autre vertu de ce segment qui a été confirmée par l ’épidémie, à en croire Thibault Valla, directeur au sein de l’équipe Debt Investment & Spécial Situations de LaSalle, dont le fonds LaSalle Residential Finance, un véhicule de dette de 1,5 Md€, est focalisé principalement sur les résidences étudiantes, les résidences seniors et le «private rented sector» britannique, une forme de logement locatif dédié aux familles : «Ces ecteurs ont démontré leur résilience face à la crise, d'abord pendant celle de 2008 et encore durant la crise sanitaire. D'ailleurs, la location des appartements, même pendant l'épidémie, n'a pas connu de ralentissement. »
En revanche, l’immobilier géré n’est évidemment pas seulement une mine de rendement mais porte avec lui un niveau de risque plus important, particulièrement pour ceux ayant fait le choix d’internaliser l'exploitation de leurs résidences. «La plupart des opérateurs œuvrant sur un segment plutôt haut de gamme, ils offriront des services, par exemple une piscine, une terrasse sur le toit ou une offre de restauration plus qualitative, qui augmentent leurs coûts fixes et risquent d'entamer leurs marges bénéficiaires en cas de vacance», explique Thibault Valla. Qu’à cela ne tienne, la plupart des investisseurs à qui LaSalle accorde des prêts préfèrent prendre à leur compte le risque opérationnel via leur propre plate-forme d’exploitations. Selon Florence Semelin, «les investisseurs institutionnels tant étrangers que domestiques se positionnent donc sur ces types d'immeubles, mais les internationaux le font parfois avec des stratégies un peu différentes en fonction de leur expérience et de la structure de leur marché. Les Anglo-Saxons ont généralement plutôt une vision de plate-forme : ils achètent tant les actifs que l'exploitant, là où les Français ont souvent davantage une logique d'acquisition d'actifs, unitaires ou en
portefeuilles. »
Le contexte actuel est favorable au développement d’un nouveau modèle d’immobilier géré, et les investisseurs l'ont bien compris, explique Philippe Depoux : «Les tendances démographiques font tout l'intérêt de cette classe d'actifs parce quelles sont pro fondes et enjambent tous les accrocs conjoncturels et économiques. » Une conjoncture avantageuse que confirme Florence Semelin : «Cette tendance de fond vers l'immobilier géré s'explique par des fondamentaux extrêmement attractifs, au premier rang desquels figure un sous-jacent démographique très porteur. » Parmi ces évolutions sociétales influençant notre conception du logement, deux mouvements démographiques se démarquent particulièrement aux yeux de Daniel While : «D'abord, la création d'un quatrième âge, puisque le modèle résidentiel français a été conçu à une époque où l'espérance de vie était de 65 ans. A l'autre bout du spectre générationnel, un allongement de la durée de célibat, soit de l'âge auquel on se marie ou auquel on a généralement son premier enfant. » Or, le marché français n’offre toujours pas une proposition immobilière en adéquation
avec les attentes de ces nouveaux utilisateurs, selon Florence Semelin : «En face de cette demande, l'offre est largement déficitaire et non qualitative, dans la mesure où elle ne répond pas à la demande exprimée.
Nous avons donc un déficit structurel extrêmement important. »
«Une demande s'exprime pour davantage de nouveaux usages, pour un cadre de vie qualitatif permettant les échanges et rassurant, pour les parents d'étudiants et de jeunes actifs comme pour les seniors ayant besoin d'un accompagnement à ce moment de leur vie, avance Florence Semelin. Tb&ry répondre, les produits évoluent très fortement, avec un angle serviciel important, et deviennent un élément différenciant. »
À titre d’exemple, au moment où un nombre croissant d’universités tricolores s’ouvrent à l’international, via des cours dispensés en anglais, dans le but d’attirer davantage d ’étudiants étrangers, le modèle de logement étudiant développé dans les pays anglo-saxons s’introduit peu à peu en France. Porté notamment par l’opérateur et investisseur Kley, il s’accompagne d’une orientation servicielle particulièrement importante sur le plan de l’animation, de la connectivité ou des usages, mais demeure encore plutôt l’exception que la norme. Une opportunité particulièrement alléchante pour les investisseurs, selon Thibault Valla : «Le modèle a d’abord été développé en Australie avant d’être implanté
aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et arrive désormais en Europe, mais la France et l’Allemagne sont toujours en retard en matière d’offre de résidences étudiantes de nouvelles générations. Aussi, de plus en plus de grands investisseurs essaient d’intégrer le marché français de la résidence étudiante parce qu’il est plus mature que dans d'autres pays sud-européens, tout en offrant un fort potentiel de croissance via le développement d’actif. »
Autre évolution importante, le coliving fait désormais son entrée sur le radar des institutionnels. «Les investisseurs reconnaissent la nécessité d’apporter une offre pouvant répondre aux besoins des jeunes actifs, quoique la notion de coliving ne leur soit pas exclusive, selon Florence Semelin. Ce produit suit les évolutions des modes de travail, notamment en matière de nomadisme, et propose une pluralité de concepts, parce qu’il n’est pas encore très mature, allant de la toute petite résidence de quelques logements à celle de plus d ’une centaine d ’appartements. »
Colonies, Sharies, The Babel Community, Urban Campus, Kley... Une ribambelle d’opérateurs émergent aux quatre coins de l’Hexagone pour développer une offre plurielle. Certains mixent d ’ailleurs les genres en alliant logement, coworking, restauration, salles de sport ou même espaces de séminaires. «Nous apportons une réponse pertinente correspondant à la nouvelle façon de vivre du jeune actif métropolitain
qui cherche un logement immédiatement disponible, sans engagement, très bien équipé et offrant du lien social, explique Benoît Jobert, président de The Babel Community. Si elle est encore relativement immature, cette classe en devenir est à même de répondre aux attentes des investisseurs à la recherche d’une alternative au résidentiel classique, estime Adrien Durozzîni, associé au sein de la Sicav-Raif luxembourgeoise 813 Capital Investment, qui a réalisé récemment sa deuxième acquisition sur le secteur à Suresnes : « Le coliving incarne aujourd’hui un mix très intéressant entre la résilience sécurisante du résidentiel et des rendements attractif. Il adresse la demande des investisseurs pour des actif résidentiels,
mais avec un cadre plus favorable, un coût de la gestion plus simple avec une seule contre partie et un revenu amélioré par la part services en plus du loyer. »
Pour Primonial REIM, en revanche, le résidentiel géré ne doit pas se cantonner qu’aux jeunes et aux personnes âgées, mais peut aussi être intéressant pour les familles. « Nous nous intéressons aux résidences étudiantes, de coliving et seniors, mais aussi au concept de “ build-to-rent ”, une forme de coliving pour les familles, explique Daniel While. Ce concept, qui permet d’importantes économies d’échelle, consiste à acheter des logements en bloc pour les louer par lots en y intégrant des notions de communauté et de service. » A ce titre, Primonial REIM a récemment conclu un partenariat pour développer le concept en Espagne avec Grupo Lar, qui prévoit un investissement de 400 M€ à horizon 2025 de manière à développer 5 000 logements neufs et porte un objectif de valorisation du portefeuille en exploitation d’environ 1 Md€. Et si le groupe est prêt à faire preuve de patience, il est convaincu de la pertinence de ce concept à l’échelle continentale : « Ce modèle n’existe pas en France et est présent presque exclusivement au Royaume-Uni, mais nous avons la conviction qu’il peut se développer dans d’autres pays européens. Nous voulons donc être à l’avant-garde de ce mouvement et l ’étendre au niveau européen mais, pour ce faire, nous devrons bien appréhender les spécificités culturelles des différents pays puisque les moeurs, les attentes et les normes de cohabitation ne sont pas les mêmes en Espagne, en France ou en Allemagne. »
Reste donc aux acteurs de l’immobilier géré à concevoir les concepts permettant d’améliorer le parcours résidentiel des Français, et ce à toutes les étapes de leur vie. L’imagination serait-elle finalement la seule limite à l’essor de l’immobilier géré ?
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