Par Le Monde - Publié le 26.05.2020
Après la chute phénoménale du marché courant mars, de nombreux particuliers ont décelé une occasion de se lancer en Bourse. Voici quelques règles à respecter pour éviter les désillusions
Entre le 19 février et le 18 mars 2020, sur fond decrise sanitaire, le CAC40, l’indice phare de la place de Paris, a perdu 39 % de sa valeur. Certains titres ont accusé des baisses encore plus franches : – 51% pour BNP Paribas, – 52% pour Renault, – 56% pour Air France… Il est usuel que les particuliers s’éloignent de la Bourse dans ce genre de situation. Mais cette crise fait exception à la règle. L’Autorité des marchés financiers, le régulateur du secteur, a noté une recrudescence d’achats d’actions par des particuliers au mois de mars, ainsi que l’arrivée de plus de 150 000 nouveaux investisseurs.
Comment expliquer ce phénomène ? Par la rapidité et la violence sans précédent du krach ; par sa dimension sanitaire, qui laisse présager une reprise de l’activité et des cours de Bourse à court terme ; par l’épargne accumulée et le temps disponible pour s’en occuper… Et puis, « certains épargnants sont passés à côté de la hausse des cours ces dernières années et, comme les marchés étaient chers, ils attendaient une occasion pour se positionner », suppute Nadine Trémollières, directrice de Primonial Portfolio Solutions.
Quoi qu’il en soit, avant de se jeter à l’eau, mieux vaut garder quelques faits en tête. Tout d’abord, les marchés ont déjà rebondi depuis le point bas : plus de 18% au 21mai pour l’indice CAC40 des principales valeurs de la Bourse de Paris,et plus de 31% pour l’indice Dow Jones Industrial Average, un des principaux baromètres du marché new-yorkais. Ensuite, ils restent chahutés : les professionnels parlent d’une forte volatilité. Enfin, une rechute n’est pas à exclure. C’est pourquoi discernement et discipline s’imposent pour investir. Avant tout, il faut entrer sur les marchés progressivement. « Même si on estime que le moment est opportun pour investir, il ne faut pas y aller en une seule fois, mais se bâtir un programme d’investissement », estime Muriel Tailhades, directrice des investissements de la banque privée chez Edmond de Rothschild France. Il suffit de se fixer un laps de temps – d’un à deux ans – et de prévoir un investissement mensuel correspondant à une fraction de la somme totale à placer. Cela peut être fait de manière manuelle, afin d’ajuster les points d’entrée, ou automatiquement. Ainsi, aucun risque d’oublier ou de faire marche arrière.
Autre recommandation clé: bien diversifier ses placements en matière de zones géographiques, de secteurs d’activité et de typologies d’entreprises. « L’erreur fatale, c’est de vouloir “faire un coup” et d’investir dans une valeur qui a perdu 80%. C’est un peu la roulette russe !», alerte Alain Guelennoc, directeur général de Federal Finance Gestion. La bonne méthode vise au contraire à ne pas être trop exposé à un risque en particulier.
«Cela revient à mettre en place une allocation d’actifs stratégique qui va dépendre des objectifs et des besoins de chacun et pas seulement d’une opportunité de marché », rappelle Muriel Tailhades. Pour ce faire, il existe plusieurs écoles. La première option consiste à sélectionner soi-même les entreprises dans lesquelles investir. « Acheter des titres vifs impose de rentrer dans l’analyse des valeurs, prévient Alain Guelennoc. C’est très intéressant, mais cela suppose d’avoir du temps et quelques connaissances. » Les plus avertis pourront donc chercher à débusquer les futures stars de la cote. A condition de disposer d’au minimum 10000 euros. Les autres se tourneront vers des fonds et ils auront le choix entre des produits de gestion active, où un gérant réalise une sélection de sociétés, et des supports de gestion passive (les fonds indiciels), qui reproduisent à l’identique un indice. Ces derniers ont l’avantage d’être bien moins onéreux. « Acheter un marché dans son ensemble via un fonds indiciel, pourquoi pas, mais il faut avoir conscience des biais induits, tempère Muriel Tailhades. Par exemple, l’indice européen comporte beaucoup d’entreprises du luxe, du pétrole et de banques, alors que l’indice américain regorge de valeurs technologiques. » C’est pourquoi de nombreux professionnels recommandent de combiner les supports. « Le fonds indiciel est pratique pour aller sur certains marchés, par exemple pour se diversifier sur la Chine, mais ce n’est pas forcément adapté pour les marchés coeur où les gérants actifs vont proposer une offre plus large que l’indice avec des styles de gestion variés», préconise Nadine Trémollières. Enfin, la période impose aux investisseurs débutants de savoir gérer leurs émotions. Cela commence par évaluer sa réaction en cas de forte fluctuation à la baisse. «Lorsqu’on fait des paris sur une reprise boursière, il faut être capable de se tromper, avertit Louis Alexandre de Froissard, gérant de Montaigne Conseil & Patrimoine. Cela suppose de placer uniquement l’argent dont on n’a pas besoin. » Ensuite, il faut être en mesure de prendre des décisions rationnelles. La discipline est alors de mise. «Les investisseurs ont tendance à garder trop longtemps les titres en moins-values et à vendre trop tôt les titres en plus-values», constate Muriel Tailhades.
La solution : se fixer des limites à la hausse comme à la baisse, et s’y tenir. «Il ne faut pas hésiter à écrêter ses plus-values», indique Nadine Trémollières. Cela consiste à prendre ses gains et à les sécuriser. C’est rassurant et cela permet d’éviter des arbitrages sur le capital qui, lui, reste exposé au marché.»
Attention, en revanche, avec le maniement d’outils automatiques de stop loss. Ces derniers permettent de paramétrer des ordres de vente dès lors qu’une valeur enregistre une baisse définie à l’avance. Dans des marchés très mouvementés, cela revient souvent à prendre la baisse sans pouvoir profiter du rebond qui vient ensuite. Les gérants ont une expression imagée pour cela : «Se prendre une porte de saloon. »
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