Par Le Monde - Publié le 23.06.2021
Les actions et les actifs réels sont les meilleurs remparts contre la perte de valeur.
Peu d’épargnants se souviennent de l’impact de la hausse des prix sur leurs placements, tant l’inflation a disparu des radars ces dernières années. Pourtant, les conséquences sont bien réelles. L’inflation a tout d’abord un effet mécanique sur le rendement de l’épargne. Par exemple, le Livret A a rapporté 0,50 % brut en 2020, avec une hausse des prix à la consommation de 0,50 % également. Le rendement réel du livret a donc été nul, c’est-à-dire qu’il a simplement servi à maintenir le pouvoir d’achat des épargnants. Mais, lorsque l’inflation dépasse le taux nominal servi, le rendement réel devient négatif.
Le second effet passe par les taux d’intérêt. En effet, en cas d’inflation trop élevée, les banques centrales devront intervenir pour limiter son envolée. Cela pourrait prendre la forme d’une baisse des programmes de quantitative easing (achats massifs de titres sur les marchés) actuellement en place, puis, dans un second temps, d’une hausse des taux directeurs. Les taux d’intérêt à long terme (à dix ans) suivraient alors le même chemin.
En pratique, l’épargne de précaution est dans ce cas de figure la première touchée. Les dépôts à vue et les livrets, pas ou mal rémunérés, voient leur rendement réel tomber en territoire négatif. Tout du moins à court terme pour l’épargne réglementée, car la rémunération de cette dernière remonterait assez vite afin de tenir compte de la hausse de l’inflation. En effet, le taux du Livret A, qui repose sur la moyenne semestrielle entre les taux d’intérêt interbancaires et l’inflation, est revu deux fois par an.
L’épargne placée sur le fonds en euros de l’assurance-vie ne serait guère plus avantageuse, puisque le rendement moyen en 2020 s’est monté à 1,3% avant prélèvements sociaux. Une légère remontée de l’inflation suffirait donc à entamer le pouvoir d’achat des assurés. En revanche, une hausse graduelle des taux longs serait, à plus long terme, bénéfique au fonds en euros. En effet, les rendements des nouvelles obligations émises sur le marché seraient alors plus élevés, permettant aux assureurs d’investir sur des titres mieux rémunérés. « Sur le fonds en euros, il faudrait une hausse très structurelle et durable des taux pour revenir au niveau d’il y a dix ans, nuance Mathilde Sauvé, directrice du développement de La Banque postale AM. En cas de remontée des taux, cela permettrait simplement de limiter l’érosion du rendement. » En outre, il faudrait que cette remontée soit progressive, car une hausse brutale est a contrario très néfaste pour le marché obligataire. Eneffet, si les nouveaux emprunts affichent des conditions de rémunération plus avantageuses, cela dévalorise le stock de vieux titres payés avec des taux plus faibles.
Les placements immobiliers sont davantage immunisés contre la hausse des prix et des taux. En effet, les loyers peuvent être ajustés à la hausse en fonction de l’inflation, par l’indice de référence des loyers (IRL). Cependant, gare aux valorisations : «Les prix de l’immobilier ont grimpé ces vingt dernières années grâce à la baisse des taux qui a permis aux acquéreurs de s’endetter à bon compte, souligne Nadine Trémollières, directrice de Primonial Portfolio Solutions. Si le financement devient plus cher, ça peut siffler la fin de la partie. » Dans ce cas de figure, ce sont les biens de meilleure qualité, les plus recherchés, qui s’en sortiront le mieux. «Il faut être sélectif et privilégier l’immobilier résidentiel de qualité, avec des normes environnementales hautes, et certains secteurs de l’immobilier commercial, comme la logistique », recommande Stéphane Monier, responsable des investissements de Lombard Odier.
Du côté des actions, l’inflation – généralement signe d’un dynamisme économique – est plutôt favorable tant qu’elle reste à des niveaux raisonnables. A partir de 3 % ou 4 %, elle sera nocive. Dans ce cas, les premières entreprises touchées sont celles qui sont endettées, puisque leur coût de financement augmente, ce qui amoindrit leur marge. «Les sociétés dotées d’une bonne capacité à augmenter leurs prix, celles qui sont leaders sur leur marché et dotées de marges solides s’en sortent le mieux », analyse Nadine Trémollières. Les entreprises délivrant d’importants dividendes sont également de bonnes candidates sur lesquelles miser.
A court terme, la communication et les actions des banques centrales vont être cruciales pour éviter de déstabiliser les marchés. « Ces derniers se complaisent dans un bain de liquidités, estime Nadine Trémollières. En cas de mauvaise perception des actions des banques centrales, il est possible de voir se rejouer le scénario de la fin 2018, où les marchés actions avaient perdu 15%.» Tout à fait conscientes de l’équilibre fragile qui doit être préservé, ces institutions veillent à rendre leur politique plus compréhensible.
«Pour l’épargnant, l’enjeu consiste avant tout à diversifier correctement son épargne en fonction de sa durée d’investissement, rappelle Mathilde Sauvé. Et aussi à investir davantage dans des actifs risqués, notamment des actions, car leur potentiel de performance est plus élevé sur le long terme. » Les professionnels plaident pour une diversification plus poussée que par le passé. «La hausse de l’inflation remet en question la diversification traditionnelle, car la corrélation entre les actions et les obligations devient positive », écrivent dans une note Pascal Blanqué et Vincent Mortier, les patrons de l’investissement d’Amundi. Selon eux, les investisseurs doivent s’intéresser aux actifs réels, alternatifs et à rendement plus élevé, comme les obligations de pays émergents.
Le Monde - 23/06/2021
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